Au niveau mondial, les femmes sont sous représentées dans toutes les structures de décision sur les technologies de l’information et de la communication (TIC), y inclus les institutions de politique et de régulation, les ministères responsables des TIC, les bureaux et les postes de gestion supérieurs des compagnies privées.



C’est également le cas pour les femmes congolaises. Divers facteurs expliquent cette quasi-absence de femmes dans ce secteur.


Les femmes accèdent difficilement aux TIC



Bien que toute personne et tous les groupes aient le droit d’accéder et d’utiliser efficacement l’information et la connaissance requise en vue de satisfaire leurs besoins de développement, ce n’est pas le cas pour les femmes congolaises.


L’accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC) demeure un luxe, excepté le téléphone cellulaire qui est accessible en zone rurale grâce aux compagnies de téléphonie GSM privées. En 2003, 94% des associations en milieu rural n’avaient pas d’outil informatique. En zone rurale, un télécentre a rapporté que les femmes étaient occupées par les travaux agricoles et ne pouvaient donc pas fréquenter le télécentre. En ville, les femmes ont également de lourdes responsabilités familiales, contrairement aux hommes.



Formation, aptitudes et analphabétisation



Les femmes sont généralement formées dans les filières de deux ans dans les écoles supérieures, en majorité privées, sur l’informatique de gestion et le secrétariat bureautique. Peu sinon rares sont les femmes qui sont formées dans la maintenance et d’autres filières des télécommunications.



Ce fait s’ajoute au problème des moyens financiers. Les grandes écoles de formation en télécommunications se trouvent à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, où plusieurs ingénieurs n’ont pas les moyens de se rendre en Afrique de l’Ouest et en Europe pour être formés.



Les femmes seraient peu attirées par les filières pointues des télécommunications, jugées trop techniques.



Il se pose également un problème d’analphabétisation, en particulier pour les femmes qui vivent en milieu rural, qui même quand elles peuvent avoir accès à l’internet, ont du mal à utiliser un ordinateur.



La prédominance du contenu dans des langues occidentales sur internet empêche également les femmes avec un faible niveau scolaire de bénéficier des informations qui leur seraient utiles.



Les femmes formées en informatique dans les filières de programmation en deux ans, reçoivent une formation parfois incomplète et ne bénéficient pas de formation continue pour s’enrichir de nouvelles aptitudes.



Emploi et stéréotypes, trop de femmes à des postes secondaires



Les femmes se retrouvent après deux ans de formation hors circuit, contraintes à occuper des postes de secrétaire, caissière et comptable dans les sociétés. Même au niveau mondial, dans l’industrie des TIC, le travail est largement basé sur la ségrégation de sexe. Les femmes occupent en grand nombre les emplois les moins payés et moins sûrs. Il n’y a par exemple presque pas de femmes enseignantes dans les filières, peu de femmes responsables des services informatiques dans les sociétés de télécommunications et de services.



Elles sont jugées incompétentes, indisponibles, et trop souvent reléguées au rang de mères, donc soit-disant incapables de gérer « ce qui est une affaire d’hommes ».



Quasi-absence de leadership de femmes dans les associations mixtes, un héritage de la tradition ?



Pour comprendre l’absence ou la faible présence des femmes dans les processus de décision sur les TIC, il est important de regarder leur rôle dans la société civile, en particulier dans les associations. Peu de femmes ont l’occasion d’occuper des postes de responsabilité dans les associations mixtes où elles collaborent avec des hommes.


Elles sont contraintes à jouer des rôles périphériques dans les associations et ne sont pas assez outillées pour s’affirmer. Quand elles occupent des postes de responsabilité, elles ont du mal à s’affirmer comme leaders et à se faire accepter par les hommes.



Cela s’expliquerait par les fortes croyances dans la tradition, qui relèguent encore une fois les femmes au rang de mère de famille, à qui la parole n’est pas donnée.



TIC, la complexité des enjeux pour la société civile congolaise



Il n’y a pas encore une plateforme nationale regroupant les femmes sur les questions relatives aux TIC au Congo. Ainsi, au niveau de la société civile, les femmes ne se sont pas organisées pour traiter de la société de l’information. Plusieurs activités sont par ailleurs initiées par des organisations de femmes comme AZUR Développement, ciblant spécifiquement les femmes. Des associations mixtes travaillent également sur les TIC, telle que le l’Association des Informaticiens Professionnels, Coptic, CACSUP et quelques autres.



Les organisations sont encore insuffisamment sensibilisées sur les questions relatives aux TIC. Un grand effort reste à fournir et cela, aura une implication directe sur les femmes.



La régulation et la privatisation des télécommunications rendent également la prise de décision dans ce secteur de moins en moins transparente pour les citoyens et les communautés locales, augmentant ainsi les problèmes rencontrés par les femmes dans l’accès à la prise de décision et le contrôle des ressources.




Dispositions de la Stratégie nationale des TIC



Afin de réduire la pauvreté et d’assurer l’entrée du Congo dans la société de l’information, une stratégie de développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) a été élaborée au Congo à la fin 2004.


La stratégie reconnaît que l’un des facteurs clés au succès dans la mise en œuvre de la stratégie, est l’implication des femmes, des jeunes et de la diaspora.



Cette stratégie comporte quatre axes stratégiques, à savoir :


  • l’infrastructure de l’information, de la communication et de l’accès;

  • le cadre juridique et institutionnel;

  • le développement des capacités humaines;

  • le développement et la pénétration des produits et services.


Utiliser les TIC pour promouvoir la gouvernance



La stratégie de développement des TIC prévoit que l’utilisation des TIC dans le pays entraînera la modernisation de l’administration, une meilleure diffusion et un meilleur partage de l’information et une amélioration des données, des indices et des indicateurs ainsi qu’une plus grande participation des populations au processus décisionnel, y compris pour les femmes bien qu’elles ne soient pas clairement mentionnées.



Briser les barrières



Il reste encore des efforts à fournir pour que les femmes congolaises soient elles-mêmes impliquées dans la réduction des barrières qui les empêchent de bénéficier pleinement des avantages de la société de l’information.



Rendre l’internet accessible aux femmes en zone rurale



Favoriser l’accès à internet dans les zones défavorisées et urbaines en implantant les télécentres communautaires va accroître l’accès des femmes aux TIC. Cependant, cela doit s’en suivre avec une sensibilisation sur les TIC et avec des formations spécifiques aux besoins des femmes.



Au niveau des infrastructures et de l’accès aux TIC, la stratégie nationale prévoit:

  • favoriser l’accès des coopératives et ONG aux TIC (équipement, formation, connexion à internet)

  • donner l’accès à internet (cyberclasse) à tous les établissements d’enseignement primaire, secondaire, supérieur et les centres de recherche

  • mettre en place les télécentres polyvalents communautaires dans les départements.


Formation et développement d’aptitudes sensibles au genre



Les femmes doivent être formées pour qu’elles aient plus de contrôle sur les décisions qui affectent leurs vies. Les programmes de formation pour les femmes doivent se focaliser aussi sur comment trouver, gérer, produire et distribuer l’information, et comment développer des politiques et stratégies.



Les programmes qui encouragent les filles et les femmes dans l’éducation sur la science et la technologie doivent être réalisés en zone urbaine et rurale.



Par ailleurs, la stratégie nationale prévoit la création des centres d’éducation multimédia et la création des compétences à travers la promotion de l’utilisation des TIC dans le système éducatif national et en milieu professionnel.



Renforcer le leadership des femmes dans les TIC



Il faudrait une société civile plus engagée dans la défense des droits des femmes en ce qui concerne les TIC. Les associations de femmes doivent être formées sur les enjeux des TIC et comment elles peuvent influer et intervenir dans ce secteur à tous les niveaux.



La création d’une plateforme des femmes sur les TIC s’avère indispensable pour développer le leadership des femmes dans les processus de prise de décision sur les TIC.



Les femmes ainsi regroupées pourraient influer sur les changements au niveau du cadre juridique et institutionnel promis par la stratégie de développement des TIC qui prévoit appuyer la création d’un Conseil stratégique des TIC (CSTIC), un cadre de concertation entre l’administration, la société civile et le secteur privé.



Mettre en lumière les besoins spécifiques des femmes dans la mise en œuvre de la stratégie de développement des TIC



Les femmes doivent elles-mêmes prendre le leadership de se réunir et de contribuer à la mise en œuvre de la stratégie de développement des TIC au Congo. Il faudrait inclure une perspective de genre dans toutes les initiatives de TIC.



Certes, la prise de décision sur les TIC est actuellement traitée comme étant purement du ressort du domaine technique, donc par nature réservée aux experts masculins; cependant les femmes ont le droit d’y contribuer et d’orienter les politiques de TIC sur les aspects spécifiques aux femmes.



Quoique les femmes congolaises peuvent s’organiser et affirmer leur leadership dans le secteur des TIC, et influencer ainsi la mise en œuvre de la stratégie de développement des TIC, il faudrait considérer que « les objectifs de la stratégie nationale ne pourront être atteints que si l’Etat et les plus hautes autorités sont prêts à s’engager à mettre en œuvre le présent plan d’action et à procéder à la réévaluation des priorités que cela implique ».



Le chemin des femmes congolaises vers le contrôle des décisions sur les TIC qui les affectent est encore long. Nous y travaillons.

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